Du Brexit au Code européen des affaires

Edito / par Philippe DUPICHOT, professeur à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), secrétaire général de l’association Henri Capitant.

Droit & Patrimoine N°262 – Octobre 2016

Le séisme du Brexit appelle des réponses diamétralement opposées. Pour les uns, la solution serait moins d’Europe… Pour d’autres, il faudrait au contraire plus d’Europe ! Dans cette dernière perspective, des voix s’élèvent pour dire que la zone Euro ne saurait prospérer sans règles du jeu commercial unifiées. De là, l’idée de dresser au préalable un inventaire de l’acquis communautaire en droit des affaires : élaboré par quatorze contributeurs sous l’égide de l’Association Henri Capitant, « La construction européenne en droit des affaires : acquis et perspectives » vient de paraître aux éditions Lextenso.

Préfacé par Valéry Giscard d’Estaing et traduit en anglais et en allemand, il propose un bilan synthétique de l’apport de l’Union européenne dans douze matières (droit du marché, droit du commerce électronique, droit des sociétés, droit des sûretés, droit de l’exécution, droit des entreprises en difficulté, droit bancaire, droit des assurances, droit des marchés financiers, droit de la propriété intellectuelle, droit social, droit fiscal).

Que retenir ?

D’abord, que le droit des affaires européen souffre d’un déficit d’accessibilité et d’intelligibilité qui accrédite inopportunément la thèse europhobe d’un droit désincarné et venu d’ailleurs.

Ensuite, que la construction européenne en droit des affaires est hétérogène et inachevée : les principes de subsidiarité et de proportionnalité ont été de puissants freins à l’émergence d’un droit commercial véritablement européen.

Enfin, que l’Union entretient certaines « marottes » législatives : réglementation prudentielle, surveillance des établissements de crédit, des entreprises d’assurances ou des prestataires de services d’investissements, transparence des marchés financiers, restructurations des sociétés, lutte contre la fraude fiscale etc. Ces thématiques sont certes fondamentales : il n’en reste pas moins que l’Europe s’est insuffisamment intéressée à la pratique quotidienne de ses commerçants et entrepreneurs et, plus généralement, de ceux qui ne sont ni banquiers, ni assureurs, ni consommateurs…

Près de 60 ans après la signature du Traité de Rome, la construction d’un droit commercial européen reste largement à faire.

Comment agir ?

Il devient chaque jour plus étrange que les Européens commercent entre eux avec une monnaie unique mais des droits des affaires éclatés. Une sortie du Royaume-Uni ne serait-elle pas propice à ce que le droit continental – que l’immense majorité des États membres ont en partage – structure davantage l’Europe des échanges ?

Il importe dès à présent que les normes communautaires intéressant le droit des affaires soient codifiées à droit constant selon un plan à la fois didactique et thématique. Des liens garantiraient l’identification du dernier état des transpositions nationales des directives.

Un Code bleu et or des affaires accroîtrait la lisibilité du droit de l’Union et le rapprocherait des citoyens européens.

Et, à long terme, on pourra caresser l’utopie qu’émerge un véritable droit des affaires européen, dont la qualité technique pourrait, par exemple, résulter des travaux d’un Haut comité du droit des affaires composé d’éminents juristes de l’Union.

La France, qui a étrenné ce 1er octobre 2016 son Code rénové des contrats, sait ce qu’elle doit à la codification. Ne devrait-elle pas contribuer, avec les autres pays fondateurs, à en faire le précieux don à l’Union ?

Du Brexit au Code européen des affaires

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