Projet de Code européen des affaires : commercialistes de tous pays de l’UE, unissez-vous !

L’Union européenne a failli dans sa construction d’un droit des affaires intégré. En la forme parce qu’elle ne s’est pas ouverte aux mérites d’une codification que 24 Etats membres sur 27 (soit 440 millions d’habitants sur 446) ont en partage (et seulement ignorée de Chypre, l’Irlande et Malte) : d’où un galimatias de directives et de règlements bavards, pensés et négociés en anglais (même post Brexit) sans véritable vision ou plan d’ensemble. Au fond, parce que la construction européenne est profondément hétérogène : tandis que les réformes s’accumulent à un rythme toujours plus rapide sur certains thèmes – au point que l’on recourt alors à des chiffres pour identifier chaque nouvelle strate ou « paquet » de législation européenne -, des questions fondamentales pour l’achèvement du marché commun sont désespérément laissées en friche (v. sur la question, La construction européenne en droit des affaires, acquis et perspectives, éd. Lextenso, 2016).

Aussi, est-il grand temps que les commercialistes de tous les pays de l’UE s’unissent pour faire profiter la législation européenne de leur expertise. Or, une nouvelle voie a été ouverte par l’Association Henri Capitant : engagé en 2017, le projet de Code européen des affaires entend redonner ses lettres de noblesse au droit de l’Union grâce aux atouts d’accessibilité et d’intelligibilité de la codification, tout en favorisant la croissance économique de la zone et l’achèvement du marché commun par de nouveaux instruments contractuels européens. Initiative de la société civile, il a réuni pendant plusieurs années près d’une centaine d’universitaires et de praticiens œuvrant – bénévolement et en dehors de toute lettre de mission nationale ou européenne – à une construction plus cohérente du droit européen des affaires.

Le 29 septembre 2023, des versions de travail de chacun des 13 Livres préfigurant un possible Code européen des affaires ont été diffusés (Projet de Code européen des affaires, Henri Capitant), à l’état d’avant-projets provisoires (Livre 1 : Droit commercial général ; Livre 2 : Droit du marché ; Livre 3 : Droit du commerce électronique ; Livre 4 : Droit des sociétés ; Livre 5 : Droit des sûretés ; Livre 6 : Droit de l’exécution ; Livre 7 : Droit de l’insolvabilité ; Livre 8 : Droit bancaire ; Livre 9 : Droit des marchés financiers ; Livre 10 : Droit de la propriété intellectuelle ; Livre 11 : Droit du travail ; Livre 12 : Droit des contrats d’assurance ; Livre 13 : Droit fiscal). Leur traduction dans les principales langues de l’UE est en cours.

Un cycle de conférences permettant de présenter chacun de ces 13 Livres du projet de Code, dans leur version martyre, et de recueillir les observations et critiques a été initié.

Fatalement perfectibles, ces travaux ambitieux doivent désormais être amendés, enrichis mais aussi soutenus auprès des législateurs nationaux et européens par tous ceux qui ont foi en une législation européenne plus ordonnée et efficiente ; ceux-là sont invités à adresser leurs remarques, observations et commentaires à l’adresse : contact@henricapitant.org.

Formons ici le vœu que l’UE se saisisse de ce sujet structurant et que le Code européen des affaires figure au nombre des pistes du Rapport sur l’avenir du marché unique que Monsieur Enrico Letta a pour mission de remettre au Conseil européen en mars prochain.

Philippe DUPICHOT
Professeur à l’école de droit de la Sorbonne (Paris 1)
Président de l’Association Henri Capitant
Editorial, Bulletin Joly Sociétés – Janvier 2024

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