Table Ronde de la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale : « Pour un Code européen des affaires », 17 janvier 2019

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La Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale, à l’invitation de sa Présidente, Sabine Thillaye (LREM), a organisé le 17 janvier 2019 une table ronde consacrée au Code européen des affaires, projet d’unification du droit du commerce et de l’entreprisse en Europe impulsé par le couple franco-allemand.

Comme l’a rappelé Madame Thillaye, ce projet d’unification du droit des affaires, d’émergence d’un véritable droit européen des affaires unifié en consolidation de la monnaie elle-même unifiée, s’inscrit dans un contexte particulier, puisque la France et l’Allemagne signent le 22 janvier 2019 le traité d’Aix la Chapelle. Ce dernier prévoit la réalisation d’« un espace économique franco-allemand unifié par l’adoption de règles communes », faisant de l’unification du droit des affaires l’un des piliers de la nouvelle coopération entre les deux Etats moteurs de l’Union.

A l’origine du Code européen de droit des affaires.

Le Professeur Philippe Dupichot, Secrétaire général de l’association Henri Capitant et Anne-Charlotte Gros, Directrice générale de la Fondation pour le droit continental, ont évoqué la genèse et le sens de cette initiative d’unification du droit des affaires lancée il y a plus de trois ans, portée par de nombreux acteurs de la société civile et suscitant un vif intérêt en Europe.

Comme l’a indiqué le Professeur Dupichot, la nécessité d’unifier le droit des affaires en Europe procède d’un constat simple, mis en lumière par l’ouvrage « La construction européenne en droit des affaires, acquis et perspectives » (LGDG, 2016), compilation scientifique des règles européennes régissant la vie du commerce et des entreprises de laquelle il ressort qu’il n’y a pas, à proprement parler, de droit européen des affaires, en dépit des nombreux ouvrages intitulés « Droit européen des affaires ». L’hétérogénéité des législations nationales dans le domaine du droit des affaires assimile aujourd’hui l’Europe à « une table de jeu, autour de laquelle des acteurs font usage de jetons identiques, les Euros, mais voient s’appliquer des règles différentes d’un joueur à l’autre ».

En se concentrant sur des domaines précis du droit, comme le droit de la concurrence, le droit de la protection des consommateurs ou le droit financier, les institutions européennes ont largement négligé le droit qui régit le quotidien des entreprises et des commerçants, pourtant acteurs essentiels de la production de richesses et d’emplois, de ressources sociales et fiscales. Cette situation paradoxale pénalise la compétitivité des acteurs économiques, l’efficacité du marché unique et l’attractivité de l’espace européen. Comme l’a indiqué la directrice de la Fondation pour le droit continental, de nombreuses start-ups nées dans les pays de l’UE et choisissant de s’internationaliser ciblent en premier lieu le marché américain unifié grâce au code de commerce uniforme (Uniform Commercial Code), au lieu de chercher à s’implanter sur le marché européen, fragmenté en législations hétérogènes.

Dans un contexte de guerre commerciale accrue, il est aujourd’hui nécessaire de doter l’Europe d’outils nouveaux, qui renforcent sa cohésion tout en donnant aux acteurs économiques des raisons de croire en l’Europe. C’est pour répondre à cet enjeu décisif qu’à l’heure du Brexit de nombreux acteurs -professionnels du droit, entreprises, think tank, Universités- ont choisi de soutenir la création d’un Code européen des affaires.

Après avoir rappelé les précédents développements d’unification du droit du commerce et des entreprises dans le monde, l’Uniform Commercial Code des Etats Unis d’Amérique et l’OHADA en Afrique, Philippe Dupichot a présenté les travaux engagés par l’association Henri Capitant dans le cadre de groupes de travail thématiques associant près de cent grands juristes européens, avec le soutien financier de la Fondation pour le droit continental, de la Caisse des dépôts et de fondations allemandes.

Un projet « bottom-up » soutenu par les entreprises.

Denis Simonneau, Président du Think Tank Europa-Nova, approuve chaleureusement les constats formulés par Philippe Dupichot et Anne Charlotte Gros. Il considère qu’il est « nécessaire de rendre le droit des affaires plus lisible, plus accessible mais également, d’unifier ce droit pour consolider l’Union Economique et Monétaire ». Le Code européen des affaires représenterait pour les PME un outil essentiel, pour leur permettre d’agir à l’échelle européenne. Il s’agit d’une proposition concrète, impulsée par le couple franco-allemand et capable de concrétiser le rapprochement nécessaire entre l’Europe et ses citoyens.

Ce Code constitue un point de départ indispensable pour rendre le droit accessible à tous les citoyens, plus compréhensible, avec une participation déterminée des praticiens et futurs praticiens. A partir d’un panorama du droit actuellement applicable, il sera bien plus aisé d’envisager les nécessités d’harmonisations, en toute transparence, avec tous les acteurs de la vie économique européenne. Chacun doit pouvoir profiter des opportunités du marché unique et être acteur de son essor. Comme l’ont révélé les Consultations citoyennes sur l’Europe – 14 d’entre-elles ayant été organisées par EuropaNova – le Code européen des affaires répond à une véritable attente des entreprises, en particulier des PME.

Pour Joelle Simon, représentante de Business Europe -la plus importante organisation d’entreprises en Europe- l’idée d’un Code européen des affaires est ambitieuse. Elle soulève un vif espoir chez les entreprises, accompagné inévitablement d’un certain scepticisme, conséquence de plusieurs années de déceptions en matière d’unification du droit des sociétés en Europe. Pour Madame Simon, le futur Code européen des affaires relève d’« une démarche positive, qui permettra d’éviter que de nombreux Etats Membres continuent de jouer de la concurrence entre les droits au détriment des autres ». La représentante de Business Europe relève par ailleurs le caractère inachevé du droit européen des affaires, en particulier l’absence de liberté d’installation pour les entreprises, (Transfert de sièges) qui justifie une démarche positive et ambitieuse dans ce domaine.

Alban Maggiar, Délégué aux affaires européennes de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) rappelle que les PME sont les forces vives de l’Europe et qu’elles doivent bénéficier d’un environnement juridique stable et lisible pour continuer à soutenir l’innovation, la création de richesse et d’emplois : « pour les PME le Code européen des affaires doit permettre une meilleure lisibilité des règles et la définitions d’instruments juridiques nouveaux, comme la création d’une société unipersonnelle à responsabilité limité, ou un droit européen de l’insolvabilité permettant une restructuration des entreprise à un stade précoce, facilitant le rebond des entrepreneurs ». Le Code européen des affaires doit également être une première étape vers davantage de convergence fiscale et sociale en Europe.

Une impulsion politique essentielle.

Tous les groupes politiques de l’Assemblée Nationale ont exprimé leur intérêt pour cette initiative. La Députée du Var, Valérie Gomez Bassac (LREM), l’une des chevilles ouvrières du projet, a rappelé que le contexte du Brexit ouvrait des possibilités nouvelles pour renforcer l’intégration en Europe par le droit. Elle invite toutefois à ne pas réduire cette initiative à sa dimension franco-allemande : « le Code européen des affaires bénéficie d’une impulsion franco-allemande mais cette initiative est naturellement ouverte à tous les partenaires européens ». Elle reconnaît l’ambition du projet mais cite le succès de la réforme OHADA pour affirmer que la démarche entreprise en Europe, pour ambitieuse qu’elle soit, a aussi toutes les chances de susciter un enthousiasme général, partant de se révéler l’une des grandes réussites de la construction européenne, post Brexit. Mme Gomez Bassac insiste également sur une dimension importante du projet de Code : « celui-ci ne doit pas rajouter du droit au droit, mais au contraire, rendre le droit plus lisible et plus accessible pour les acteurs économiques ».

Pour les députés Eric Strauman (LR) et Marguerite Deprez-Audebert (LR), le Code européen des affaires permettra d’intéresser les PME au projet européen et d’encourager leur internationalisation. Pour les députés Joachim Pueyo (PS) et Marietta Karamanli (PS), il faut un Code européen des affaires, pour renforcer l’Europe et ses entreprises face aux géants économiques que sont la Chine ou les Etats Unis. Le député André Chassaigne (PC) invite à s’appuyer sur la dimension particulièrement protectrice du droit continental pour faire du Code européen des affaires, du futur droit européen des affaires unifié, un vecteur de renforcement des droits sociaux en Europe, sans oublier le monde agricole. Frédérique Dumas (UDI) invite enfin à se concentrer sur la question de la stratégie, pour convaincre les populations que ce code européen « permettra à l’Europe de fonctionner vraiment ».

En conclusion le Professeur Philippe Dupichot rappelle les enjeux des travaux engagés. Plongée dans l’une des plus graves crises de son existence, l’Europe doit se réinventer en proposant des projets concrets qui bénéficient aux acteurs économiques et aux citoyens. La décision des gouvernements français et allemands d’apporter leur soutien à cette initiative en l’inscrivant dans le Traité d’Aix la Chapelle constitue à ce titre une étape décisive pour l’avenir de la construction européenne, l’unification de son droit des affaires, de son droit du commerce et des entreprises.

Pour tout renseignement complémentaire, vous pouvez contacter :

Alexandre Robinet-Borgomano
Email : alexandre.robinet-borgomano@codeeuropeendesaffaires.eu

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